Faire tomber les barrières avec Eve Risser et l’ensemble Op.Cit - Interview par Guillaume Kosmicki

L’hybridation comme la transversalité sont des notions très à la mode aujourd’hui, abondamment convoquées pour qualifier une myriade de projets différents. De fait, elles correspondent à une réalité de notre temps, dans lequel les frontières stylistiques et artistiques, parfois géographiques et sociales, semblent s’affaisser. Nous interrogeons à ce propos Guillaume Bourgogne, directeur artistique de l’ensemble Op.Cit, qui n’a pas attendu la mode pour pratiquer une réelle hybridation entre les mondes de l’improvisation et de l’écrit. Nous rencontrons également Eve Risser, musicienne inclassable qui participe avec Op.Cit et Guilhem Meier à un projet pour la B!ME. Leurs réponses passionnées et engagées nous font parcourir l’histoire récente de la musique et nous amènent à parler de liberté et de politique.


Guillaume Kosmicki : Guillaume Bourgogne, pouvez-vous m’en dire un peu plus sur le projet de l’ensemble Op.Cit, qui a revendiqué dès le début des expériences d’hybridation entre les univers des musiques écrites et improvisées ; entre les esthétiques (jazz, musique contemporaine, musiques électroniques et amplifiées) ; et entre les arts ?

Guillaume Bourgogne : Op.Cit est né en 2008-2009 d’une envie et d’un besoin : fonder un ensemble qui puisse questionner la pratique de l’hybridation, déjà très commune à l’époque, mais jamais centrale dans les projets des musiciens. Je ne voulais surtout pas le faire pour des raisons institutionnelles ou marketing, car si les projets transversaux montés ponctuellement sont en général très demandés, ils ne sont pas toujours authentiques dans leur démarche. Je restais en vérité souvent sur ma faim face à de telles propositions et j’ai voulu apporter ma propre réponse. Op.Cit a la volonté de questionner en musique les rapports entre la composition et l’improvisation. J’ai recherché pour cela des musiciens de tradition classique et d’autres de traditions jazz (tout en considérant qu’il y a bien sûr différentes esthétiques à l’intérieur du jazz). Dans le but de favoriser une rencontre, de confronter, rapprocher et hybrider les pratiques, j’ai préféré regrouper des musiciens spécialisés dans leur domaine mais ouverts, plutôt que de chercher des musiciens directement polyvalents. Ainsi, s’ils sont intéressés par la musique contemporaine de création, de tradition écrite, Emmanuel Scarpa, Brice Berrerd et Frédéric Escoffier appartiennent clairement à l’univers jazz de la musique improvisée.

C’est également mon ADN : j’ai une formation de saxophoniste classique, avec par ailleurs une pratique du jazz et des musiques improvisées. À la base, pour structurer Op.Cit, nous avons réuni deux formations emblématiques, qu’on considère en général comme les plus savantes de chaque univers : le quatuor à cordes et le trio jazz. Cela n’est cependant pas un carcan, et tous les projets n’ont pas forcément intégré ces ensembles tels quels. Dans le concert qui nous occupe aujourd’hui, le pianiste et le batteur de l’ensemble laissent d’ailleurs leurs places à deux invités, jouant eux-mêmes sur ces instruments : Eve Risser et Guilhem Meier. Cela fait partie de la souplesse d’Op.Cit.

G.K. : Cette hybridation semble être un phénomène de plus en plus important depuis les années soixante-dix, avec des artistes qui souvent refusent naturellement de se situer dans un univers ou un autre. Comment l’expliquez-vous ?

G.B. : En effet, si on regarde la musique depuis les années soixante, on observe une volonté inconsciente de sortir de la verticalité du modernisme, dans laquelle le compositeur fait figure de dieu, les musiciens peuvent être assimilés à un clergé et le public s’apparenterait aux fidèles. La musique s’y agence en substitut symbolique à la religion. La musique classique fonctionnait depuis très longtemps sur ce principe ; la musique contemporaine d’après-guerre n’a fait que reproduire cette situation. Au passage, je me revendique personnellement de cette tradition, que je ne rejette pas frontalement : en tant que chef, je dirige le plus souvent des musiciens, jouant des œuvres écrites par des compositeurs devant un public. Pourtant, si j’éprouve du plaisir à diriger ainsi du Gérard Grisey ou du Helmut Lachenmann, j’en ai aussi lorsque je confronte la composition pure avec l’improvisation. Les musiciens ont nourri depuis les années soixante un désir d’horizontalité. Un des moyens d’y parvenir est l’improvisation.

En Amérique du Nord, le travail de John Cage et de Morton Feldman d’un côté, celui du be-bop, du jazz modal puis du free jazz de l’autre ont été des jalons importants, d’ailleurs parfois proches dans leurs gestes. Ils ont ouvert des possibilités de réinventer les formes musicales. Par leur formation mais aussi par l’imprégnation à d’autres styles, de plus en plus de musiciens ont intégré cette écoute collective et cette culture musicale à leur pratique. Les musiciens classiques et contemporains se sont nourris à l’écoute d’autres musiques et d’autres arts. L’entrée du jazz dans les conservatoires est probablement une conséquence de ce phénomène, plus qu’un déclencheur. Par ailleurs, on rencontre également beaucoup de musiciens de jazz intéressés par l’écriture et la musique contemporaine. C’est le cas d’Emmanuel Scarpa, notre batteur, qui a écrit pour Op.Cit. Il est par exemple très influencé par le sérialisme et par les œuvres de Pierre Boulez, qui le passionnent. C’est aussi le cas de Guilhem Meier, musicien inclassable, qui touche autant au punk rock qu’au jazz tout en se considérant comme un compositeur. Il est d’ailleurs fils de compositeur et écoute beaucoup de musique contemporaine. Eve Risser est également un exemple flagrant de ces croisements d’univers, comme Magic Malik avec qui nous avons travaillé. On a besoin de catégories en France, mais tous ces musiciens sont clairement d’une culture multiple.

G.K. : Quand vous parlez d’horizontalité et de verticalité, et quand vous parlez de free jazz, je ne peux m’empêcher de penser à un aspect social, voire politique. Le revendiquez-vous ? Votre démarche va-t-elle plus loin que celle de dépasser simplement le rituel du concert de musique contemporaine ?

G.B. : Oui, l’aspect politique m’interroge également. Quand je me suis formé comme chef d’orchestre, j’avoue que je n’avais initialement pas envisagé ces questions. Puis je me suis progressivement demandé ce que signifiait cette position. Le modèle d’un chef qui interprète un compositeur à la tête d’un orchestre de cent musiciens – et j’emploie volontairement le masculin pour en parler – se révèle bien trop dominant dans la musique de la fin du XXe siècle. C’est le cadre qui incarne le plus fortement cette notion de verticalité, qui va de pair avec tout un star-system attenant. Même si je pense que la figure du chef est nécessaire, il me semble qu’on peut la dépasser. Il ne s’agit pas d’évacuer totalement les fonctions chef/compositeur, mais bien de rééquilibrer les rapports. Ainsi, j’ose cette analogie (parce que vous m’en parlez), elle n’est pas au départ de ma réflexion de chef et de directeur artistique d’Op.Cit, mais elle me semble pertinente : au niveau politique, je crois qu’on a besoin de représentants forts, mais aussi que des institutions démocratiques fortes amènent un équilibrage nécessaire.

G.K. : Les expériences d’hybridation semblent aujourd’hui plus évidentes et plus nombreuses, elles embrassent un champ toujours plus large, avec la techno, le hip-hop, etc. Le panel stylistique est gigantesque et semble faire tomber les barrières, les familles musicales. Comment l’expliquez-vous ?

G.B. : Depuis les Beatles qui regardaient du côté de la musique savante ou Berio qui intégrait un ensemble de jazz à sa partition de Laborintus 2, le monde musical a connu une inflation phénoménale de nouveaux styles. On pouvait à l’époque limiter les champs à la pop, au rock, au jazz et à la musique classique. Depuis, des dizaines de nouveaux courants ont fait leur apparition, hard rock, punk, metal, musiques électroniques, techno... Chaque catégorie a fait naître ses sous-catégories, dans un phénomène général d’enrichissement et de raffinement, avec un besoin de catégoriser et de nommer tous ces styles. À la fin du XXe et au début du XXIe siècles, les champs de recherche ont explosé et tous ces styles ont connu des branches qui allaient vers le « savant ». Notre monde contemporain capitaliste amène un fort repli sur soi, y compris dans l’économie de la musique. Ces styles peuvent s’agencer comme des niches de consommation, auxquels certains publics voient une nécessité de s’identifier, avec des habitudes étriquées. Mais le domaine de la création est celui de la prise de risque, de l’aventure artistique et de la découverte de nouveaux territoires sonores. L’ouverture est une nécessité à l’origine de tout geste de création.

On met aussi beaucoup de « savant » dans la chanson pop aujourd’hui : dans la manière dont on la réalise, dans l’utilisation de nombreux outils technologiques, dans la production extrêmement soignée, dans la forme et la manière dont elle est perçue. Pour qu’une chanson marche, il faut qu’elle réponde à de nombreux critères, y compris sur la perception cognitive des auditeurs. Les producteurs activent beaucoup de savoirs, parfois sans en avoir pleinement conscience. Ce qui n’en fait pas forcément des œuvres de qualité, soit dit en passant, mais des produits de consommation.

G.K. : Quels sont les raisons du choix d’Eve Risser et de Guilhem Meier, qu’est-ce qui vous a donné envie de les réunir sur ce projet ?

G.B. : J’aime beaucoup provoquer des mariages un peu forcés avec Op.Cit. Eve et Guilhem ne se connaissaient pas personnellement. De notre côté, ça faisait longtemps qu’on avait envie de travailler avec Eve. Nous avions déjà monté un projet avec Guilhem. Je suis de près son travail avec ses différents ensembles. Il avait envie de travailler avec nous pour amplifier son solo LFant pour batterie sonorisée. Sebastian Rivas a été très enthousiaste sur l’idée d’Eve Risser. C’est finalement d’eux qu’a découlé l’idée d’aller plus loin dans la rencontre et de jouer sur toutes les pièces. Ils ont même décidé d’écrire aussi dans les pièces de l’autre. C’est excitant de voir cet intérêt réel et croissant. Tous les deux préparent leurs instruments, ils ont le même attrait pour le bricolage et l’invention du timbre. Finalement, l’extension d’LFant n’est plus vraiment dans le projet, qui a évolué. Eve a besoin d’une phase d’expérimentation et de contact, parce qu’elle compose pour des gens. Nous avons travaillé avec elle en juillet sous forme d’exercices, avec des improvisations collectives qu’elle dirigeait par des instructions orales. Cela s’apparentait à une masterclass d’improvisation libre. C’était une manière de faire connaissance avec Op.Cit, une formation un peu inhabituelle en soi, violon, violoncelle, contrebasse, cor, trombone et deux clarinettes en plus de Guilhem à la batterie. J’ai quand même voulu m’assurer auprès d’elle qu’elle allait bien écrire une partition. J’y tiens, d’une part parce que nous avons une commande du Grame et d’Hémisphère son pour une œuvre, mais surtout parce qu’Op.Cit n’est pas un ensemble d’improvisateurs au sens strict, même si tous les musiciens sont ouverts à cela et que certains sont des improvisateurs expérimentés (les clarinettistes, le contrebassiste). J’ai rappelé à Eve notre ligne directrice reposant sur l’hybridation entre écriture et improvisation. Les instructions doivent aussi passer par l’écrit. Guilhem Meier est plus naturellement tourné vers l’écriture. Nous avons essayé en juillet des esquisses très rythmiques avec des orchestrations spectrales, reprenant des séquences de batterie, très exigeantes à jouer, en homorythmie avec sa batterie, elle-même très virtuose. L’ensemble agit comme extension de son jeu.

G.K. : Eve Risser, votre profil de touche-à-tout, votre ouverture à de nombreuses esthétiques et de multiples milieux, est-ce le reflet de notre époque ?

Eve Risser : Je trouve au contraire qu’on referme un peu aujourd’hui. Dans les années 80, le free jouait avec toutes les scènes, le rock jouait avec le jazz etc. Aujourd’hui on est assez polis en termes de mélanges dans le jazz. L’improvisation n’est plus toujours un signe de liberté. On est bien redescendus de cette période de révolte. Notre époque est plus sage, on a trop à perdre sans doute : on ne descend plus dans la rue, la violence d’État n’est pas contrecarrée. On a désarmé le peuple de toute façon. La musique est sur le même modèle, plus polie. Enfin, je dis ça pour moi aussi. Je me suis beaucoup calmée. J’ai des camarades qui font encore bien les fous dans d’autres milieux musicaux. Pour ma part, j’ai étudié, donc j’ai eu la possibilité de découvrir beaucoup d’esthétiques différentes. Heureusement, j’en ai pratiqué d’autres encore dans le milieu plus underground avec le collectif Umlaut par exemple, avec qui on organisait des concerts dans une cave à Barbès. Il faut se réjouir des mélanges, certes, mais on devrait assister à plus de mélange social et de classes. Ce serait la base, et on n’y est pas du tout ! Les choses bougent peu à peu au niveau du genre, pas trop encore sur celui des classes. Dans la musique, je vois beaucoup de Blancs qui jouent ensemble, des gens qui ont été au conservatoire ensemble (j’en fais partie), pas trop de mélange de couleurs, de cultures, d’histoires, de façons de penser. Ça dérangerait trop. On est dans un pays élitiste avec des castes enfermées sur elles-mêmes, il faut bien se l’avouer. On va dire que je crache dans la soupe, mais je trouve toujours bien lorsqu’il y a une prise de risque à un endroit. Si ça n’est pas dans la musique, alors ça peut agir à d’autres endroits.

G.K. : Je suppose que l’esprit d’hybridation qui anime l’ensemble Op.Cit est quelque chose qui correspond à votre propre musique ?

E.R. : Je ne le vois pas trop comme une forme d’hybridation. Pour moi, c’est naturel de jouer avec des musicien·ne·s mélangé·e·s. Je n’ai pas l’impression de faire plusieurs choses, mais une musique. Par contre, avec Op.Cit, nous ne nous connaissons pas, il s’agit bien d’une rencontre. Il y a de l’inconnu. La musique que je pratique traverse des univers que j’ai explorés au fil de mon parcours. J’ai étudié le classique et la musique contemporaine assidûment (j’ai suivi un cinquième cycle contemporain en flûte traversière). J’ai également étudié le jazz au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, et à Baltimore, même si ça peut paraître étonnant, dans le sens où le jazz est plutôt une musique qui se joue, qui se pratique et qui se vit. Par ailleurs, je pratique la musique de tradition orale avec des Africaines, mais je joue également avec des gens qui aiment passer par l’écriture. C’est aussi mon langage. Lorsque je joue avec des musiciens issus de la musique écrite à qui je propose des partitions en réservoirs de notes, ils trouvent ça très improvisé. À l’inverse, des musiciens habitués à l’improvisation trouvent ça plus enfermant. La question de la liberté est très relative.

G.K. : Dites-en plus sur ce projet avec Guilhem Meier.

E.R. : Guilhem écrit pour sa part des partitions très détaillées en partant de son instrument, la batterie. C’est aussi mon cas : je pars du piano, que je considère comme un petit orchestre. J’écris mes pièces au piano, sur les touches et dans le cordier. J’utilise cet instrument comme outil de composition, en tant qu’improvisatrice, en choisissant les sons et les accords que je préfère, ceux qui me plaisent et me touchent et me permettent ainsi de dessiner chaque fois un peu plus une identité, et puis de la casser parfois, pour la remettre en question, puis de la retrouver, etc. En écoutant Duke Ellington jouer du piano, par exemple, je n’entends pas l’instrument au travers d’une expression pianistique mais orchestrale. Je raffole de cette vision sonore du piano. Pour moi, travailler avec Op.Cit n’était pas facile, parce que je ne travaille normalement qu’avec des gens que je connais bien. C’est un challenge pour moi, mais ces musiciens ont une ouverture d’esprit qui va vers la mienne. La rencontre est donc possible.

G.K. : Quelle est la proportion entre écriture et improvisation ?

E.R. : Je dirais que c’est très écrit. Même s’il va y avoir des zones d’improvisation. C’est aussi par manque de temps de répétition.

Lors d’une première session de rencontre avec Op.Cit en juillet 2020, j’ai amené des pièces en puzzle : je distribue des matériaux à chacun, avec des limitations, je pose un cadre en donnant une atmosphère à réaliser ensemble, tirée d’un instant vécu dans la nature. Pour « Fumerolles », par exemple, qui est une pièce que j’avais écrite pour mon orchestre avec ce procédé, je demande une atmosphère très calme et douce tirée d’une photo d’Islande, avec des graves répétés, des sons de souffle, quelques harmoniques et trois accords possibles. Ces sons représentent divers éléments de la scène. Elle représente des vapeurs de souffre nommées fumerolles, un moteur qui tourne, des lumières roses dans le ciel. Tout le reste est improvisation ouverte, mais doit être au profit de l’énergie générale. Nous cherchons collectivement cette atmosphère, il n’y a pas de solistes dans cette pièce, tout le monde contribue à construire ce paysage équilibré et relativement homogène. Ça demande une grande écoute collective, une concentration en trois dimensions, on fait des allers-retours entre une écoute de groupe et de soi. On obtient un état, mais avant tout en se mettant dans cet état nous-mêmes, et en collectif.

C’est un peu magique, ça tient sur un fil. La musique est un art du temps et les musiciens le savent : la durée du concert, le moment de la dernière répétition, etc. : certains paramètres temporels sont plus ou moins maîtrisables, on apprend à les connaître avec l’expérience. Ils s’ajoutent à l’acoustique de la salle, la sonorisation, l’humeur du public et beaucoup d’autres éléments. C’est une alchimie complexe.

La temporalité des pièces en puzzle est différente des partitions dites « traditionnelles », car on ne lit pas une partition de gauche à droite. Elle l’est aussi du point de vue de la perception. C’est une musique plutôt planante pour les auditeurs. Je reste modeste sur cette approche, traversée par de nombreux·ses compositeur·ice·s et improvisateur·ice·s comme Morton Feldman ou Eliane Radigue par exemple, à leur manière. La temporalité des musiques africaines aussi est différente, basée sur la boucle souvent, et générant la transe : on ne ressent pas le temps qui passe, car on est dans notre corps, ou si on le ressent, on l’éprouve plutôt. Ce sont les deux types de temporalité que j’utilise pour échapper au temps classique de la partition : la méditation et la transe. Je trouve que ça aide à entrer dans le corps.

Pour Op.cit je vais réaliser des partitions très écrites, tout en m’inspirant de ces ambiances. J’aime de toute façon aussi écrire du note à note et de plein de manières différentes afin de ne pas tourner en rond. Il est vrai que Guilhem Meier réalise des pièces très écrites, mais il est improvisateur, donc nos univers se rejoignent.

Dans ce projet avec Op.Cit, nous ne pourrions jamais faire sonner la musique comme si nous jouions depuis trois ans ensemble. Op.Cit dispose d’autres richesses. D’abord, c’est un ensemble à configuration variable. Il est capable de toucher au jazz, à la musique contemporaine, à l’expérience de Guillaume Bourgogne en tant que chef, à la mienne en tant que cheffe un peu plus « free style », à la musique folle et précise de Guilhem Meier. La force de ce groupe se trouve dans ses disparités, réunies avec beaucoup de sens. Sa richesse, ce sont ses membres et leur ouverture. Il faut écrire de manière diversifiée et jouer de nos individualités avec Guilhem Meier.

Nous sommes gâtés en France, car on s’enrichit de ces projets de commandes d’écriture. Si nous étions dans un pays sans subventions publiques ou privées pour la musique, on nous appellerait sans doute moins avec Guilhem. Nous écririons essentiellement pour nos propres groupes. L’idéal serait de commander encore plus de musique à des musiciennes et musiciens de cultures variées, orales et écrite. Ça se fait déjà mais on en manque un peu dans la balance.